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La chasse du chevreuil à tir aux chiens courants

Pour chasser sûrement le chevreuil, il est indispensable de le détourner à trait de limier et de ne découpler les chiens que sur des voies reconnues par beau temps. Beaucoup de chasseurs ne se donnent pas cette peine et se contentent de faire simplement fouler l'enceinte par leurs chiens à la billebaude,


Cette façon de faire occasionne bien souvent des déboires : un lièvre, un renard, peuvent bondir à vue,les chiens partiront dessus (à moins qu'ils soient véritablement créancés sur le chevreuil) et l'on sera forcé de chasser un autre gibier que celui que l'on avait l'intention de poursuivre.

Comme le lièvre, le chevreuil a l'habitude de revenir au lancé après un certain temps de chasse. Néanmoins, les ruses qu'ils emploient, l'un et l'autre, pour leur défense, sont tout à fait différentes. Le premier les met en pratique toujours sous le couvert, dans les lieux humides, dans les ruisseaux dont il suit souvent le lit et où il aime à doubler ses voies pour chercher à se relaisser (s'arrêter, se raser et laisser passer les chiens) en retour. Tandis que le chevreuil ruse presque toujours devant, dans les chemins, sur les coteaux rocailleux et dégarnis de végétation, partout où il doit laisser le moins possible croire qu'il est passé. Mais l'un et l'autre, après une série de stratagèmes savamment combinés, cherchent à dérober leur voie par un bond énorme de côté, se flâtrent (s'incrustent à plat sur le sol pour s'y dissimuler) et attendent.

Deux ou trois bons principes à mettre en pratique

Si vous êtes nombreux, je vous conseille de vous séparer en deux groupes, avec chacun une "mission spéciale" à remplir. Dans l'un, les plus vigoureux et les plus expérimentés suivront au plus près la chasse dans la pointe plus ou moins longue qui va nécessairement avoir lieu. Au retour de celle-ci, se succéderont les ruses de l'animal, ruses dont les seuls chiens ne parviendront pas à débrouiller le fil, quelle que soit leur qualité. Dans l'autre groupe, les plus patients et les meilleurs tireurs garderont à bon vent les refuites connues ou probables de l'animal regagnant le canton d'attaque.

Vous venez donc de mettre les chiens sur une voie du matin et, après un court rapproché, ils ont mis sur pied un couple de chevreuils remis dans un fourré. Les deux animaux lancés sont partis ensemble. Mais après une première randonnée, le brocard s'est livré seul aux chiens, et comme il est sûr maintenant de les avoir entraînés derrière lui, il tente sa pointe habituelle en fond de forêt. Cette pointe de vitesse lui permet de se forlonger (prendre de l'avance sur les chiens, les semer) ; il commence alors à randonner, essaie ses premières ruses, les continuant sans désemparer et toujours au plus fort du taillis. Les chiens sont désormais en défaut.

N'agissons plus comme pour le lièvre : requêtons lentement, patiemment, sur le lieu même du défaut. D'abord en arrière, car ce défaut a eu lieu à la suite d'un hourvari (ruse du chevreuil poursuivi qui revient sur la voie qu'il a suivie l'instant d'avant pour finir par un saut de côté pour égarer les chiens. Ceux-ci suivent naturellement avec entrain la voie doublement odorante? qui ne les mène à rien, mais ils donnent ainsi au poursuivi le temps de prendre de l'avance sur eux).

Le chien limier retrouve la voie, les autres rallient et la chasse repart alors de plus belle. Mais nous n'en avons pas fini, car nous avons affaire à un malin. Voyant que ses premières ruses n'ont pas réussi, et commençant à trouver cette promenade ennuyeuse, il revient vivement au lancé, certain d'avoir alors la plus sûre des ressources. En effet, c'est là que l'attend sa fidèle compagne, pour laquelle il s'est courageusement dévoué au début de la chasse, et qui, à son tour, va lui rendre le même service.

Lorsque la chevrette entre en scène?

La gracieuse bête inquiète et frémissante, pointe en avant ses oreilles , s'assure de l'arrivée bruyante de la meute ennemie, qu'elle sait attachée à la poursuite de son compagnon, et ce n'est pas pour fuir, mais pour la braver.

Enfin, elle a rencontré celui qu'elle veut sauver. Vite, elle reprend le contre-pied de la voie par laquelle elle l'a vu arriver. Et tandis que le brocard fatigué se dérobe par un prodigieux bond de côté, elle s'avance, s'avance encore, malgré les cris des chiens qui la font frémir, et malgré le péril certain que son instinct lui signale. Elle arrive à vue et un hurlement répond à son défi ; c'est sur elle que se concentre la menée : les chiens la voient et croient la tenir. Elle se retourne, trottant doucement pour inspirer plus de confiance à ses ennemis, qui la dévorent des yeux. Puis, tout à coup, elle bondit, alerte et vigoureuse, entraînant derrière elle toute la meute. Et une chasse nouvelle commence?

Mais il n'en est pas toujours ainsi pour le couple aimant et fidèle. Le brocard, qui a échappé aux tireurs en vidant l'enceinte, les retrouve au retour et tombe au moment de recevoir un secours efficace et attendu. Et la chevrette elle-même est tuée plus loin, payant ainsi bien cher un dévouement .

Un bon stratagème à connaître

Si le chevreuil randonne court dans la même enceinte et rabat ses voies, glissez-vous sous le couvert, à l'endroit où sont passés les chiens, que vous pouvez reconnaître aux herbes foulées, aux feuilles soulevées et relevées ; postez-vous là et attendez. L'animal reviendra infailliblement, et vous pourrez le "raccourcir" à courte portée. Mais, du moment que vous êtes posté, ne bougez plus, ne faites aucun mouvement : le chevreuil est si léger, son allure toujours bondissante est si leste, qu'il arrivera sur vous sans que rien vous l'annonce. Si vous ne restez pas immobile, il l'entendra et cela lui fera prendre une autre direction.

Les ruses à l'eau

En vénerie, votre chevreuil multipliera les ruses à l'eau. Il prendra aisément le cours d'un ruisseau, le suivra plus ou moins longtemps, s'y arrêtant de temps en temps s'il y a pied, le descendant le plus souvent. À sa sortie de l'eau, il fait parfois une double voie sur l'un des bords, s'y relaisse aussi, puis, lorsque veneurs et meute sont passés, il reprend le ruisseau quelques mètres et s'enfuit sur les devants ou les arrières, mais généralement en avant. Aux étangs ou l'animal patauge sur les bords, ou il traverse en pleine eau, ou bien encore il se relaisse sur le bord, toujours à l'endroit où il y a le plus d'eau (soit dans les joncs, soit dans les roseaux ou encore dans une excavation Cependant, s'il ne fait qu'en ressortir en fuyant, les meilleurs chiens le laissent parfois aller parce que la vase et l'eau qui découlent le long de ses fuseaux couvrent sa voie ; alors les chiens n'en reconnaissent plus, ou s'éternisent sur place au lieu de percer en avant. C'est à ce moment que le veneur doit prendre les grands devant avec décision s'il ne possède pas quelques chiens pouvant chasser dans les eaux et qui auraient enlevé la voie, indiquant la fuite. Il faut percer dans cette direction, car après la voie devient forcément meilleure et tout repartira à "beau bruit".

Devant un ruisseau, le problème à résoudre est plus complexe : le chevreuil a franchi le cours d'eau et fuit en avant, ou il vient y buter et fait au retour, voie par voie, où il a longé le canal en amont, ou bien encore il a suivi le courant. Là aussi, le veneur laissera faire ses chiens,un bon moment. Alors, et pour gagner du temps, il fera un retour en arrière, cherchant un volce-lest d'aller. S'il n'en trouve pas en retour, le chevreuil aura sauté le canal, ou pris l'eau dans un sens ou dans l'autre. Il suffira donc de longer les bords soit en amont, soit en aval si le terrain s'y prête. Il existe en effet beaucoup de forêts où cela est impossible et où il faut compter plus sur le travail des chiens que sur l'aide des hommes.

La science du change

La plus grande difficulté que l'on rencontre à la chasse à courre du chevreuil est celle du change. Sans chien marquant le change, il est inutile d'espérer forcer régulièrement des chevreuils. En effet, dans une forêt où les animaux sont nombreux ? Le plus souvent, au bout d'une heure de chasse (et parfois moins), l'animal de meute vient à passer dans un canton peuplé ; au bruit de la menée, ses congénères partent d'effroi, souvent au nez de l'équipage ; si les chiens n'ont pas le sentiment du change, ils abandonnent alors l'animal du lancé pour un de ceux dont ils croisent la voie. On arrive ainsi à "entraîner" tous les animaux du territoire, qui deviennent alors presque imprenables.

Les chiens intelligents, et d'origine de change, arrivent vite à comprendre qu'ils ne doivent poursuivre qu'un animal "échauffé" s'ils veulent le prendre. Un chevreuil sur ses fins et qui se relaisse, devient aussi immobile qu'un lièvre en forme (au gîte). Plus on tourne autour de lui et plus il s'incruste dans le sol, devenant comme une pierre, formant un bloc et, probablement, en proie à une telle terreur qu'un arrêt des fonctions vitales supprime en lui toutes émanations. Dès lors, il n'a plus aucune odeur. On peut alors passer cent fois à côté de lui sans le voir.

J.-P. Gréau

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