Aux origines des chiens d'arrêt Ils descendent tous de chiens courants, qui par dressage, et ensuite par atavisme familial, furent élevés et sélectionnés sur leurs aptitudes à se coucher, à la vue et à l'émanation des oiseaux. Ils étaient communément employés par les fauconniers et les chasseurs aux filets qui recouvraient d'un jet les chiens et leurs proies.
On trouve, divers écrits qui reflètent ces déductions, entre autres la loi des frisons édictée par Charlemagne en 802 : "Que celui qui a tué un chien d'oiseau (canem acceptorium) ou un petit braque (braconeur parvum) compose avec 4 sous". Ici le chien d'oysel n'est pas un braque, le nom braque désignant là le chien courant. Gaston Phébus définissait en 1350 le chien d'oysel comme suit : "Cy la devise du chien d'oysel et sa nature : autre manière il y a des chiens qu'on appelle chien d'oysel et espaignols pour ce que cette nature vient d'Espagne, combien il y en ait en d'autres pays". La description que Gaston Phébus fait de ces chiens dans ses divers traités de chasse au XIVe siècle correspond à s'y méprendre aux épagneuls actuels, contant leurs spécialisations sur la caille et la perdrix, que ce soit au filet, ou bien avec des oiseaux de proie. Il dit de surcroît que ces chiens fixaient bien le gibier pour qui savait leur enseigner à être couchants. Ces facultés n'étaient donc pas encore fixées de façon systématique chez les chiens couchants et certains, aux dires des fauconniers de l'époque, qui en dressaient un bon nombre, dénotaient encore quelques penchants à courir et à tuer le gibier à poil. Dans leur sélection, ils éliminèrent systématiquement ces chiens qui représentaient un gros risque pour leurs oiseaux une fois qu'ils étaient au sol, ayant fait prise sur leur proie. L'évolution des chiens couchants a été liée à l'arrivée et à l'utilisation des armes à feu. D'abord fut utilisée l'arquebuse, avec laquelle il n'était possible que de tirer à terre sur un gibier immobile. Cette chasse présentait beaucoup de similitude avec la chasse au filet. L'invention du fusil à pierre et la possibilité de son utilisation sur le gibier en mouvement permit une amélioration de l'utilisation que l'on faisait des chiens couchants. Le roi Louis XIII fut un des premiers à utiliser ce genre d'arme. Cette chasse n'était pas beaucoup plus meurtrière que la chasse aux oiseaux de proie, ni que celle au filet. Elle était l'apanage d'une certaine classe qui pratiquait plus cela comme un sport et un divertissement, que comme une réelle prédation sur le gibier. Le tir à pierre fut rapidement remplacé par le tir à plomb et devint beaucoup plus meurtrier, ce qui n'échappa pas à nos rois qui en avaient depuis longtemps pressenti le danger. En 1578, 1600, 1601, 1607, 1669, des décrets se suivirent pour interdire la chasse aux chiens couchants, dans un but alimentaire. Ce privilège était réservé uniquement au roi et à quelques grands seigneurs. Les tableaux de Desportes et Oudry illustrent bien ce qu'étaient les épagneuls et les braques de l'époque. La révolution mit fin à tous ces privilèges et la démocratisation de la chasse devint effective. Ceci fut un bien pour l'expansion des races de chiens de chasse en France, mais un peu à leur détriment aussi, car pendant de nombreuses années aucune sélection ne fut pratiquée, et un élevage quelque peu anarchique se développa. Le fusil à silex fut remplacé par le fusil à piston, qui craignait bien moins l'humidité, il fut lui-même détrôné par le fusil à cartouches à broche, et à percussion centrale ensuite. Il fallut des chiens dont les qualités s'adaptaient aux nouvelles exigences des chasseurs, c'est-à-dire, quêtant plus large et d'un arrêt très ferme. Depuis déjà longtemps des chiens Anglais avaient passé la Manche du fait des diverses importations pratiquées à cette époque. Pour mémoire, on se souvient de Charles d'Anjou qui en Italie avait obtenu d'Angleterre un setter Gordon, Charles X avait importé deux pointers, dont Miss la femelle qui fut à la base de la race des braques Saint Germain. La mode des chiens Anglais prit un peu comme une coqueluche l'aristocratie et la bourgeoisie française. Les vieilles races furent un peu délaissées, car moins rapides et moins spectaculaires dans leur travail du gibier et leur prise d'arrêt. Les différentes races d'épagneuls et de braques continentaux ne furent plus utilisées que par le peuple et ce de façon très anarchique, car ils n'avaient aucune notion de races pures. Des mariages épagneul/braque se firent de façon courante, mais aussi des retrempes avec des chiens anglais, au petit bonheur la chance. Ceci fit dire en 1886 à M. Bellecroix qu'à cette époque nombre de vieilles souches étaient presque disparues et qu'il doutait fort qu'un jour elles puissent être sauvées. C'était sans compter sur les éleveurs français, qui très attachés à leurs races de terroir, entreprirent de fixer ce qu'il restait encore des vieilles souches. Ici commença le travail en profondeur des éleveurs qui se sont investis avec plus ou moins de chance et de fortune dans des variétés qui, au fil des ans, sont devenues des races avec des caractères particuliers et bien définis, et une morphologie qui elle aussi a évolué en fonction de l'utilisation et du terroir dont sont issus tous ces chiens. Ce bref historique montre bien que tous nos chiens d'arrêt sont issus du même tronc commun et que les différences ne se sont faites ensuite qu'au gré des éleveurs et de leurs desiderata. Raison majeure pour ne pas crier haro sur l'éleveur qui par une retrempe reviendrait aux sources pour s'écarter d'une consanguinité trop forte, ou pour rechercher d'anciens caractères aujourd'hui disparus. |